Rangée de peupliers en Normandie, vers 1840-1845

Huile sur papier marouflé sur toile

25 x 18 cm

Jean-Baptiste Camille Corot

Paris, 1796 – id., 1875

Corot naquit dans une famille aisée de commerçants tenant un magasin de mode situé à l’angle de la rue du Bac et du quai Voltaire, qui fournissait la cour des Tuileries. Conformément aux vœux de son père, il devint vendeur dans une maison de drap, tout en fréquentant dès 1817 l’Académie Suisse. Déterminé à devenir peintre, il réussit non sans difficulté à obtenir de son père une pension annuelle de 1 500 livres pour se consacrer à ses études. En 1822, il entra dans l’atelier d’Achille-Etna Michallon, qui mourut prématurément quelques mois plus tard ; Corot rejoignit alors celui de Jean-Victor Bertin.

Tout au long de sa vie, Corot voyagea sans cesse pour nourrir son art. Il effectua trois séjours en Italie (1825-1828, 1834, 1843). De retour à Paris en 1828, il visita Fontainebleau et la Normandie, puis la Bretagne l’année suivante. Pendant les « Trois Glorieuses » de 1830, il se trouvait à Chartres avant de gagner Dunkerque, Boulogne, puis Berck. Ses itinérances le menèrent aussi en Bourgogne, dans le Nivernais et l’Auvergne. Il séjournait régulièrement à Arras chez son ami Constant Dutilleux, compagnon de voyage fréquent. On le retrouve dans le Morvan, près de Dijon, en Suisse (1841-1842, souvent avec Daubigny), aux Pays-Bas (1854), à Londres (1862) ou encore à Auvers-sur-Oise (1868). Parmi ses lieux de prédilection figurait Ville-d’Avray, où son père avait acquis une maison en 1817.

Dès 1827, il participa régulièrement au Salon de Paris, bien que certaines œuvres aient été refusées en 1843 et 1847. Il obtint une médaille de première classe en 1848, année où il entra également au jury du Salon. Il fut présent aux Expositions universelles de 1855 (Paris), 1862 (Londres) et 1867 (Paris). Chevalier de la Légion d’honneur en 1846, il fut promu officier en 1867.

Ses premières peintures, marquées par le néo-classicisme, évoluèrent dès son premier séjour en Italie vers une observation directe du paysage. Ses vues du Forum et du Colisée depuis les jardins Farnèse (1826) révèlent un équilibre entre architecture et nature, baignées d’une lumière romaine qu’il chercha à restituer. Dans *Narni, le pont d’Auguste sur la Nera*, simple étude envoyée au Salon de 1827 sous le titre *Vue de Narni*, on perçoit déjà la tension entre la liberté expressive de l’esquisse et la composition plus classique du tableau définitif, inspiré de Claude Lorrain. Durant ces années, Corot réalisa aussi des portraits de figures italiennes aux fonds sobres, annonçant ses futures séries de figures isolées, qu’il ne montra jamais de son vivant. De retour en France, il peignit des paysages de Normandie, de Bretagne, d’Île-de-France, de Fontainebleau et de Ville-d’Avray, ainsi que des portraits familiaux. Certaines vues, comme *La cathédrale de Chartres* (1830) ou *Vue de Soissons* (1833), mettent en tension sujet principal et environnement, dans une recherche originale de composition.

Après son second voyage en Italie, il présenta au Salon de 1835 *Vue de Riva, Tyrol italien* et *Agar dans le désert*, qui illustrent deux conceptions du paysage : l’une poétique et lyrique, l’autre dramatique et biblique. Dans les deux cas, le paysage en est le véritable sujet, alliant composition classique et lyrisme de la lumière. À la même époque, il peignit des figures mélancoliques comme *Jeune fille à la jupe rose* (1840-1845) ou *Mélancolie* (1850-1860), mais aussi des nus (dessins et études), dont la célèbre *Odalisque romaine ou Marietta* (1843).

À partir de 1850, Corot réalisa de véritables portraits, telle la série de moines, où la vigueur du pinceau traduit l’intensité de la méditation (*Moine chartreux lisant*, 1850-1855). Baudelaire loua son art « coloriste avec une gamme restreinte de tons ». Ses dessins et eaux-fortes montrent une liberté croissante, sensible dans les frémissements des feuillages et la lumière filtrant à travers les branches. Il utilisa la technique du cliché-verre entre 1853 et 1874, dont les plaques furent exposées à la BnF en 1996.

Il réalisa aussi des décorations murales : à Rosny-sur-Seine (*Fuite en Égypte*, 1840 ; *Chemin de croix*, 1856), à Ville-d’Avray (avec Richomme), au château de Gruyères (1857), ou encore pour le prince Demidov (1865).

L’année 1859 fut décisive. Corot s’ouvrit à de nouveaux genres : sujets littéraires (*Dante et Virgile*), nus en paysage (*La Toilette*), faux portraits (*série des Ateliers*, 1865-1872) et paysages-souvenirs (*Souvenir de Mortefontaine*, 1864). Il devint un peintre spontané, poète de la lumière, célébré par Banville ou Maxime Du Camp. Ses paysages vaporeux aux tonalités argentées séduisirent à la fois les amateurs de Poussin et Lorrain et les romantiques annonçant l’impressionnisme.

La série des *Ateliers* (1860-1870) témoigne de son goût pour les figures féminines, parfois en costumes exotiques, parfois en habits contemporains, souvent rêveuses, lisant ou tenant un instrument. La *Dame en bleu* (1874), l’une de ses dernières toiles, valut à Corot d’être comparé à Manet. Moderniste malgré lui, nourri de classicisme mais préfigurant l’impressionnisme, il mourut en 1875, un an après la première exposition du groupe chez Nadar.

Considéré surtout comme paysagiste — car il n’exposait guère ses figures —, Corot ne révéla leur importance qu’à titre posthume (Salon d’Automne 1909). Il eut pourtant de nombreux élèves et disciples : Chintreuil, Lépine, Berthe Morisot, Sisley, Pissarro… Son immense notoriété favorisa les copies et les faux : Robaut tenta de les inventorier dans son catalogue raisonné. Corot lui-même alimenta la confusion en retouchant des copies ou en travaillant en atelier avec ses élèves. Comme le résuma René Huyghe : « Corot a peint 3 000 tableaux, dont 10 000 ont été vendus en Amérique ».

Malgré les ambiguïtés, Corot demeure l’une des figures majeures du XIXᵉ siècle : poète du paysage, maître de la lumière, entre néo-classicisme et modernité, dont l’influence s’étendit jusqu’aux impressionnistes.

Source: Bénézit

Œuvres de Jean-Baptiste Camille Corot

oeuvre de jean-baptiste camille corot - rangée de peupliers en normandie - huile sur papier marouflé sur toile

Rangée de peupliers en Normandie

(Voir la fiche)