Jean Le Moal
Authon-du-Perche,1909-Chilly Mazarin, 2007
Jean Le Moal, né le 30 octobre 1909 à Authon-du-Perche et mort le 16 mars 2007 à Chilly-Mazarin, est un peintre non figuratif français de la Nouvelle École de Paris.
Jean, Olivier, Joseph, Le Moal naît en 1909 à Authon-du-Perche (Eure-et-Loir) où son père Joseph Le Moal, d’origine bretonne est nommé, après un premier poste à Saint-Pierreville (Ardèche), comme ingénieur des Travaux Publics. Après de nouvelles affectations de son père, en 1910 au Mans, en 1914 à Seyssel (Haute-Savoie), il passe, pendant la guerre, deux années dans sa famille maternelle à Saint-Pierreville puis en 1915 séjourne longuement chez son grand-père paternel à Brest.
Peu auprès son retour en 1919 à Seyssel, sa mère, née Jeanne Sabarot, meurt d’une embolie et Jean Le Moal est à partir de 1923 interne au lycée d’Annecy, durant trois ans. Il découvre en 1924 la sculpture, dessine et copie des gravures, réalise des bas-reliefs en plâtre, des sculptures en terre et des médailles.
Venu à Lyon en 1926 pour y suivre à l’École des Beaux-Arts des études d’architecture, intéressé plutôt par la sculpture, Jean Le Moal s’inscrit finalement dans la section d’architecture intérieure, fréquente le musée où il s’initie à l’histoire de la peinture, et lit les œuvres d’Élie Faure. Il peint en 1928 ses premières toiles, sur le motif, en Bretagne.
Quand il s’installe à Paris en février 1929, Jean Le Moal copie des toiles au Louvre (Cézanne, Chardin, Renoir, Rembrandt, Murillo, Poussin) où il rencontre et se lie avec Alfred Manessier. Il dessine simultanément des nus dans les Académies de Montmartre et de Montparnasse (Othon Friesz) et peint des natures mortes. Il fait en 1932 des voyages en Belgique et aux Pays-Bas dont il visite les musées, et en 1934 dans le sud de la France, avec Manessier, puis en Bretagne, peignant ses dernières toiles réalistes.
En 1935, Jean Le Moal découvre à Barcelone les fresques catalanes. Il rencontre et se lie avec Jean Bertholle et le sculpteur Étienne Martin. Avec Manessier, il s’inscrit à l’Académie Ranson1, où Roger Bissière a ouvert un atelier de fresque, après y avoir enseigné la peinture. Il en devient le massier et travaille simultanément dans celui de sculpture, dirigé par Charles Malfray sous le patronage de Maillol, en compagnie d’Étienne Martin et François Stahly. Ses œuvres font l’objet d’une exposition à l’Académie en décembre 1936.
Aux côtés de Bertholle, Bissière, Manessier, Étienne Martin, Stahly, Nicolas Wacker, Lucien Beyer, Le Moal expose avec le groupe « Témoignage », animé par Marcel Michaud, qui réunit peintres, sculpteurs, musiciens et écrivains, lors de sa première manifestation en 1936 au Salon d’automne de Lyon, puis à Paris en 1938 et 1939. En 1937, il travaille à la décoration du Pavillon des Chemins de fer (Félix Aublet, Bissière et Robert Delaunay) de l’Exposition internationale des Arts et Techniques de Paris, avec notamment Bertholle et Manessier, puis réalise avec Jean Bazaine un panneau mural pour le Pavillon des Auberges de Jeunesse.
En 1939, Le Moal réalise une peinture murale pour l’école d’Eaubonne (Val-d’Oise) puis collabore avec Bertholle et Zelman à la réalisation d’un plafond de 1 400 m2 du Pavillon français des Vins à l’Exposition universelle de New York (Herbé et Zehrfuss architectes) et participe à sa mise en place. Il crée ensuite ses premiers décors et costumes pour le Théâtre des Quatre Saisons (Jean Dasté, André Barsacq et Maurice Jacquemont) dont il accompagne comme régisseur la tournée en Bourgogne. Mobilisé en à Draguignan, Jean Le Moal regagne après la démobilisation la Bretagne puis accompagne à Lyon Maurice Jacquemont qui veut y créer un nouveau Théâtre des Quatre Saisons pour la zone libre et se voue pendant deux ans à la création de décors et costumes.
Première manifestation sous l’Occupation de la peinture d’avant-garde, l’exposition des « Vingt jeunes peintres de tradition française » organisée par Bazaine, avec notamment Bertholle, Lapicque, Le Moal, Manessier, Pignon, Singier, à la Galerie Braun en 1941 était une façon de manifester contre l’idéologie nazie qui condamnait « l’art dégénéré ». C’est dans cette période que se constitue ce qu’on appellera la Nouvelle École de Paris, dont Le Moal sera un des représentants majeurs.
Après de nouvelles expositions de « Témoignage » à Lyon, Jean Le Moal rentre en 1943 à Paris avec Maurice Jacquemont, pour qui il réalise les décors et costumes de « L’étoile de Séville » (Lope de Vega) au Studio des Champs-Élysées. Après un séjour à Vannes, il regagne Paris et fuit le Service du travail obligatoire en rejoignant Saint-Pierreville. Il participe à l’exposition « Douze peintres d’aujourd’hui »2, préfacée par Gaston Diehl et dénoncée par la presse de la collaboration, à la Galerie de France inaugurée en 1942, qui deviendra un des hauts lieux de la peinture non figurative.
Le 6 mai 1944, Jean Le Moal épouse Juana Muller, sculpteur d’origine chilienne et participe en 1945 au premier Salon de Mai, dont il est l’un des membres fondateurs. Il expose en 1946 avec Manessier et Singier à la prestigieuse Galerie René Drouin. En 1948 il s’engage dans une série de gravures (burins et eaux-fortes) qu’il poursuivra jusqu’en 1951. Il réalise en 1949 de nouveaux décors et costumes pour le Centre dramatique de l’Ouest et le Studio des Champs-Élysées.
Tandis qu’il présente en 1950 une exposition personnelle à la Galerie Billiet-Caputo, plusieurs tapisseries sont exécutées d’après ses maquettes, pour le Mobilier National, par les tisserands Plasse Le Caisne qu’il présente à Manessier (ils réaliseront par la suite l’ensemble de son œuvre tissé). Il participe à « Présences 1951 », exposition inaugurale de la nouvelle Galerie de France de Myriam Prévot et Gildo Caputo et fait un premier séjour, chez le peintre chilien Eudaldo, à Alba-la-Romaine que fréquentent de nombreux artistes3, notamment Ginés Parra, Theodore Appleby et Stanley Hayter, et où il ne cessera de revenir régulièrement. Grâce au chanoine Ledeur, il se voit confier des restaurations d’églises (à Maîche et Vercel).
Sa femme, le sculpteur Juana Muller, meurt en 1952. « De cette période douloureuse, l’œuvre par la suite ne portera aucune trace. Aucune révolte, aucun pathétique de surface ne viendront en orienter le développement. Le Moal dans son activité créatrice reste l’homme d’un secret parfaitement efficace : cette longue retraite devient peu à peu pour lui l’occasion d’une réflexion sur soi-même et d’un approfondissement des moyens picturaux. Alors que tous le croient arrêté, c’est à ce moment précis qu’il reprend sa marche en avant et pénètre dans une sorte de nouveau monde qu’il avait à peine entrevu », écrira Camille Bourniquel4.
À partir de 1955 Jean Le Moal réalise, durant quatre ans, décors et costumes pour la Comédie de Saint-Étienne de Jean Dasté. Il réalise en 1956 une exposition à la Galerie de France et un premier vitrail, pour l’église Notre-Dame-en-Saint-Melaine de Rennes, et en 1957 travaille aux vitraux du baptistère de l’église Saint-Martin de Brest (pour laquelle il en réalise d’autres en 1961), à ceux de la crypte, au pavement et à une mosaïque murale pour l’Église du Sacré-Cœur d’Audincourt. Avec Manessier il réalise également en 1958 les vitraux de la chapelle Notre-Dame du Pouldu. L’Œuvre gravée, dirigée en Suisse par Nesto Jacometti, édite une série de ses lithographies sur le thème des saisons.
Jean Le Moal en 1971.
Après avoir de nouveau exposé en 1959 à la Galerie de France, Jean Le Moal rejoint dans les années 1960 la Galerie Roque où il côtoie Jean Bertholle et Elvire Jan. En 1965 une grande tapisserie pour le chœur de l’église Notre-Dame de Rennes est exécutée par les ateliers Plasse Le Caisne. Jean Le Moal part la même année en Amérique du Sud (Chili, Pérou) pour y accompagner une exposition itinérante de peintres français. En 1966 il compose une mosaïque pour le lycée français de Bruxelles et travaille à des vitraux pour l’église Saint-Louis de Besançon, puis de 1968 à 1972 aux vitraux de la Cathédrale Saint-Vincent de Saint-Malo (300 m2) (ateliers Bernard Allain).
Ayant simultanément installé un atelier à Alba-la-Romaine, Jean Le Moal y peint chaque été des toiles de grands formats, sur les thèmes des Andes, de la mer ou des saisons, qui sont exposées de nouveau à la Galerie de France en 1974. De 1978 à 1990 il réalise les vitraux de la cathédrale de Nantes (500 m2). De 1985 à 1987 Jean Le Moal travaille encore aux vitraux de la cathédrale de Saint-Dié-des-Vosges, en compagnie notamment de Manessier, Bazaine, Lucien Lautrec et Elvire Jan. En marge de toute intention symboliste comme de toute visée seulement décorative, son travail, selon Jean Le Moal, « doit avant tout créer, dans un espace donné, une lumière telle qu’on se trouve saisi par (un) climat, de prière pour ceux qui désirent prier, de repos, de silence et de gravité pour ceux qui ne prient pas »5.
Jean Le Moal en 1995.
Après de nombreuses expositions rétrospectives, en France et à l’étranger, dès les années 1960, en 1970 et 1971 (musées de Rennes, Chartres, Rouen, Dijon, Lille et Caen, puis en 1990-1992 (Lyon, Besançon, Luxembourg, Dunkerque et Nantes), le musée La Cohue à Vannes consacre à Jean Le Moal une exposition, L’invitation au voyage, en 2000. Il fait en 2006 partie des peintres réunis pour l’exposition L’Envolée lyrique, Paris 1945-1956 présentée au musée du Luxembourg (Sénat), (Composition, 1955, Henie Onstad Kunstcenter, Oslo) [catalogue : (ISBN 8876246797)].
Jean Le Moal meurt le 16 mars 2007 et est inhumé au cimetière du Montparnasse.